Mali: Acharnement expéditif ou descente aux enfers de l’excès premier ministre Moussa Mara placé sous mandat de dépot

Entendu pour la quatrième fois devant la justice, Moussa Mara, Premier ministre du président Ibrahim Boubacar KEITA de 2014 à 2015, a été placé sous mandat de dépôt ce vendredi après-midi par le Procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité à Bamako. Confidentiel Afrique revient sur les péripéties de cette quasi-descente aux enfers pour les uns et un « acharnement expéditif » pour d’autres de l’ex- chef du gouvernement malien.
Moussa MARA, l’ancien premier ministre du gouvernement malien (2014 à 2015) serait- il dans l’oeil du cyclone judiciaire ? La justice de Bamako lui reproche “un message subversif” sur les réseaux sociaux en date du 4 juillet annonçant une visite de solidarité à tous les détenus d’opinion dans les différentes prisons du pays avec une phrase épinglée par la justice : “Aussi longtemps que dure la nuit, le soleil finira évidemment par apparaître !”
Le pouvoir de transition serait-il “la nuit”? Sa fin sera-t-elle un jour nouveau pour le Mali? L’interrogation est faite par un des avocats de Moussa Mara après son placement sous mandat de dépôt ce vendredi 1er août 2025, suite à une énième audition.
Rebondissements en série
fait la quatrième fois au cours de ce mois de juillet 2025 que Moussa Mara, avait maille à partir avec la justice malienne. Le 16 juillet, il est interpellé pour un tweet. Moins d’une semaine après, le 21 juillet, il est empêché de voyager. Le jeudi 31 juillet, l’ancien Premier ministre était convoqué à la brigade du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité à Bamako qui l’a convoqué de nouveau ce vendredi 1er août pour finalement le placer sous mandat de dépôt. A chaque fois c’est “pour un message que la justice qualifie de subversif” a confié à Confidentiel Afrique, un des ses avocats.
Ce message le voici : “Solidarité indéfectible avec les détenus d’opinion! Mardi dernier (ndlr: 1er juillet 2025) avec Ben le cerveau, l’imam SIDIBE et Rose la vie chère à Dioila. Ce jeudi matin (ndlr : 3 juillet 2025) avec Ras Bath à Koulikoro. Jeudi après-midi (ndlr : 3 juillet 2025) à la maison centrale d’arrêt de Bamako avec le professeur Clément, l’imam Bandiougou, Issa KAOU Djim, Mamadou TRAORE dit Le roi, les jeunes du MPM et la CMAS. Nous faisons ces périples régulièrement pour leur signifier notre solidarité. Nous poursuivons des efforts auprès des familles également. Tout cela pour que jamais ne s’éteigne en eux la flamme de l’espoir. Aussi longtemps que dure la nuit, le soleil finira évidemment par apparaître ! Et nous nous battrons par tous les moyens pour que cela arrive et le plus tôt possible !”
Moussa Mara était un des rares hommes politiques à prendre la parole à chaque fois qu’il le jugeait nécessaire.
“Le seul homme politique qui continue de donner son opinion sur la gestion des dossiers de l’État et de critiquer malgré l’interdiction des partis politiques” glisse un de ses proches.
“L’affaire Moussa Mara” incarne, selon de nombreux observateurs et juristes, un cas flagrant de harcèlement judiciaire à l’encontre d’une figure politique majeure du Mali, connue pour sa constance critique et sa capacité à s’exprimer publiquement, malgré une répression notable du champ politique depuis la transition militaire de 2020. “Il est encore l’un des rares sinon le seul homme politique qui continue de critiquer l’action gouvernementale malgré l’interdiction des activités des partis et des leaders politiques” commente un observateur de la scène politique nationale qui s’empresse d’ajouter : “il le fait avec une grande intelligence, sans étiquette politique mais non sans arrière pensée.” Comme son dernier post sur sa page Facebook sur la collecte de fonds de 38,5 milliards de FCFA par l’État sur les marchés financiers, une opération, qui, selon lui “augmente le niveau d’endettement de notre pays, a un impact encore plus significatif sur la situation financière de l’État en termes de remboursement.” Pour lui, “sur le montant collecté, près de 29 milliards devront être remboursés l’année prochaine, soit 75% de la somme empruntée.” Alors, il souligne que “le taux d’intérêt substantiel de l’opération augmente son coût et nous nécessitera d’aller plus loin dans l’endettement pour payer son remboursement l’année prochaine. En d’autres termes, au rythme où les choses vont, nous serons condamnés à continuer sur cette voie avec des charges de plus en plus importantes et chaque année une somme encore plus importante pour chercher à couvrir nos besoins. Il faut noter que le Mali paie déjà plus pour le remboursement de sa dette que pour les salaires des fonctionnaires.” On ne peut pas être plus critique de la politique économique pour un expert comptable dont le travail de professionnel spécialisé dans la gestion financière et comptable est la supervision des opérations comptables afin de maintenir les finances d’une entreprise, en l’occurrence de l’Etat, en ordre et conforme aux réglementations en vigueur.
Pression judiciaire sur une voix discordante
Depuis 2020, la pression judiciaire s’est accentuée sur lui. Il demeure l’une des rares personnalités politiques à s’exprimer ouvertement, alors que partis politiques et opposition organisée ont été interdits ou réduits au silence. Ses adversaires au sein du pouvoir transitoire voient dans ses interventions publiques, surtout numériques, un risque de mobilisation de l’opinion, tandis que ses soutiens dénoncent «l’instrumentalisation» de la justice à des fins d’intimidation politique.
Âgé de 50 ans, Moussa Mara, expert-comptable de profession, détonne dans le paysage politique malien. Dépourvu de l’appareil d’un parti depuis leur interdiction, il a transformé sa présence en ligne en une véritable tribune. Sur les réseaux sociaux et à travers les médias qui lui donnent encore la parole, il commente l’actualité, critique la « gouvernance par la peur » et l’absence de calendrier pour un retour à l’ordre constitutionnel.
Ses cibles sont précises : la gestion sécuritaire, qu’il juge malgré certains efforts encore défaillante sur l’ensemble du territoire, la dérive autoritaire du régime et le flou persistant autour des futures élections. « La majorité des Maliens est favorable à la tenue des élections », affirmait-il en janvier 2025, se positionnant en porte-voix d’une opinion publique muselée.
Par Oussouf DIAGOLA (Confidentiel Afrique )